samedi 18 février 2012

Dernier arrêt Melbourne : fin d'un périple coloré



Il est à peine 10h lorsque je me décide à tendre le pouce en périphérie d’Adelaide, après 2h de marche pour le moins pentues. Il s’agit là de mon dernier trajet en stop avec pour destination Melbourne et, pour tout un tas de raisons évidentes dont l’orgueil et la dignité, je me résous à ne pas céder au mélodrame. Fondre en larmes sur le trottoir sous prétexte que ce sont mes derniers jours à nager dans les gaz d’échappement, à bouffer de la poussière, à attendre des heures interminables sous un soleil de plomb ainsi qu’à forcer mon sourire devant des conducteurs à l’expression faciale aussi chaleureuse qu’un zombie neurasthénique, n’est probablement pas un argument valable pour m’attirer les bonnes grâces des usagers  de la route.

Bref, un dernier effort, en avant Guingamp. Ce dernier tronçon de 800 km s’avale comme un charme, pas plus de 10 mn d’attente, des gens généreux au possible et je terminerais ma course par un dernier lift de nuit avec un chauffeur grec de « road-train » qui m’offrira mon dîner en plus d’une agréable balade.



Me voilà donc à 5 heures du matin dans une station service de la banlieue ouest melbourniane et, après m’être fait engueuler parce que je fumais au-dessus des bouteilles de butane (je n’ai pas dormi de la nuit rappelez-vous, j’ai des circonstances atténuantes), je me mets à la recherche d’un bout de bus pour joindre la City. 

Premier constat : c’est très vert et, forte de son statut de ville la plus agréable à vivre au monde, très propre, très bcbg et surtout cosmopolite. Se balader une heure dans la rue équivaut à entendre une bonne quinzaine de langues différentes, du vietnamien à l’hébreux en passant par l’anglais (si).

Les arts sont également très présents et, tandis que tout un lot de groupes se produisent ça et là (il est par ailleurs dingue de constater à quel point les anglophones ont la musique dans le sang et un talent inné pour la note juste), les expositions de peintures sont nombreuses et la plupart du temps gratuites.
Un nombre conséquent de cafés italiens offrent de quoi se désaltérer pour des prix frisant l’indécence tandis qu’un troupeau de « hipsters » saute de clubs en boîtes en faisant des gestes cool que même le péquin moyen il comprendra jamais.



Les monuments neufs commémorant les victimes de la seconde guerre mondiale et du conflit sud-africain sont très présents, mais il est triste de constater qu’aucune plaque ne rend hommage à tous ces aborigènes massacrés pour la terre par des britanniques à l’évidence plus que féroces. 

Que l’on s’entende bien, mon maigre enthousiasme pour l’Australie me vient principalement de mon long séjour en territoire du nord, dernier bastion des habitants légitimes de cette contrée. Car, si la côte est relativement sympathique et les occupants bourrés de bonnes intentions, c’est au prix d’un génocide assumé par beaucoup. Je ne compte plus les fois où l’on a été jusqu’à me faire son apologie ! Ce genre d’opinion me glace le sang et malheureusement, même les voyageurs s’y mettent, à une échelle certes moindre mais tout de même.

Le curieux qui souhaite avoir la vision occidentale festive et connue de la vie australe restera entre Adelaide et Brisbane. Les autres s’enfonceront plus dans l’Outback et se feront leur propre idée des problèmes profonds du pays, soit en adoptant une attitude de rejet de l’ethnie historique soit en se ramassant une monumentale tarte humaine qui ne mène qu’à la morosité. 



Cela étant, les 17000 km séparant Melbourne de ma région natale ont été pliés, non sans mal. Ma carrière d’auto-stoppeur prend donc fin (enfin, sait-on jamais…) et un récapitulatif de mon aventure apparaitra sous peu avec même un bout de bilan et quelques petites choses utiles. 

 Pour ma part, j’y ai pris grand plaisir et j’espère que mes fidèles (et nombreux, si) lecteurs me pardonneront mes quelques bourdes en matière de grammaire et d’orthographe, qui s’expliquent relativement aisément au vu du caractère inhabituel de l’expérience. 

Si celle-ci m’a beaucoup apporté sur le plan personnel, elle m’a également permis de mieux cerner le monde, les populations et les modes de pensée. Ce type de voyage guérit également un certain nombre de choses, dont les préjugés ainsi que les raccourcis de l’esprit et ouvre la porte à des questions plus larges qui ne seront rassasiées que si l'on pousse un peu plus loin, toujours plus loin, loin loin.

samedi 11 février 2012

Sur les pistes de l'Outback : terre rouge et mouches en pagaille

Mines d'Opal de Coober Pedy


Partir d'Alice Springs fut ardu puisque je n'attendrais pas moins de 24h sous le seul arbre situé à la sortie de la ville, attente animée par une nuée de mouches insupportable, avant de me voir offrir un "lift" jusqu'à Coober Pedy, située à mi-chemin.

Coin sympa que j'ai occupé 24h, en attendant une bonne âme


La route m'apportera mes premières tornades, se présentant parfois en bande de 4 et dansant sur une terre rouge feu qui s'étend sur des milliers de kilomètres. Ce coin désertique est appelé l'Outback, foyer du massif d'Uluru et de nombreuses autres singularités telles canyons et mines d'opal.



Les rares habitants ont gardé un look très pionnier avec souvent une longue barbe descendant jusqu'à la taille et le chapeau de paille qui va avec. Il ne leur manque que la pioche et la bouteille d'eau-de-vie pour se croire en plein remake d'un métrage bien connue de Disney.

Le premier lac sur ma route, si salé qu'on le croirait couvert de neige


Ceux-ci sont de plus très amicaux et les actes de bienveillance envers ma besogne d'auto-stoppeur nombreux. On me sort un tabouret pour que l'attente soit plus supportable, on me donne des fruits, on me conseille.

Le train de l'Outback au loin, s'avalant ses 4000 bornes hebdomadaires


Il est de plus sympathique de croiser quelques descendants de colons français qui me témoignent une sympathie toute naturelle, vraisemblablement en hommage à leurs racines.

Cathédrale St Peter


J'arrive finalement à Adelaide après une courte halte à Port Augusta et la différence de température est déjà saisissante puisqu'il fait entre 15 et 20° de moins, la chair de poule guette (si).

Cette cité est sans doute la première jusque là à avoir un peu de charme et, quand bien même je n'ai pas encore eu la chance de me rendre aux États-Unis, la comparaison avec le modèle américain est évidente. Des rues quadrillées, une City au centre, quelques églises en pierres d'aspect neuf, la rivière Torrens bordée de pelouses et d'allées goudronnées pour joggeurs et cyclistes chevronnés. Bref, un véritable décor pour un film de Sam Mendès.



La population aborigène a à présent disparue, place à l'insouciante société moderne.

vendredi 3 février 2012

De Katherine à Alice Springs : la bat-mobile ne répond plus


(Crédit photo : Roberto Taddei)


Un mois d’élagage de manguiers plus tard, me revoilà sur la route. Le bilan est quand même lourd : ayant directement embrayé sur le boulot après 9 mois (intenses hein) de baroude, je me retrouve dans une sorte d’état second que nous qualifierons d’ultra-mou, marshmallow voir même molluscoïde. Ainsi, le moindre support d’apparence accueillant pour popotins fatigués se veut une excellente excuse pour glisser tranquillement vers un sieston, à n’importe quelle heure du jour.

L'équipe de pruning (Credit photo : Takako)


Mon appareil photo est à présent complètement hors d’usage : il n’a pas survécu à ma dernière chasse aux oeufs de crocodile. Ceci expliquant donc qu’une nouvelle fois, le nombre de clichés sera grandement limité sur ce billet.

De plus, mon appréhension de la mentalité des habitants du coin est désormais plus affutée car, si une bonne partie de leur raisonnement me semble tout à fait incohérent, le mien leur parait d’autant plus étrange sur des sujets comme la propriété, les relations aux aborigènes, aux femmes, à l’alcool et à la vie en général. Ainsi les disputes furent fréquentes des 2 côtés et en général la partie adverse ne comprend pas pourquoi elle s’en prend plein le museau. Le choc des cultures très probablement.

Les 2 compères en bonne compagnie


Bref, tendre de nouveau le pouce après 1 mois de break n’est guère aisé et la saison des pluies n’est pas faite pour me faciliter la tâche. Aux averses (le mot est faible, disons cascades) se succèdent un soleil de plomb (en général 40-41° à l’ombre), me donnant après 3 heures d’attente un air de torchon malade qui n’est pas fait pour rassurer les rares automobilistes déjà fort frileux.

Tandis que l’on me ramasse finalement pour me déposer 10 bornes plus loin (rappelons que j’ai 1100 kms à parcourir), je croise 2 autres auto-stoppeurs, plus jeunes, qui resteront à mes côtés le temps de compléter l’étape. Ceux-ci ont pour particularité de se déguiser en Batman et Robin afin d’attirer la sympathie des usagers de la route, imaginez le bordel qui en découle. Même la maréchaussée vient poser, en prétextant un contrôle d’identité.

Halte en pleine savanne (Crédit photo : Roberto Taddei)


Trois jours seront nécessaires avec des arrêts dans des bleds aussi minuscules qu’arides : Mataranka, Elliot, Tennant Creek et enfin Alice et son gros rocher, son canyon, et sa mentalité encore plus exotique.

Départ lundi pour Adélaïde, dernier patelin d’importance avant la cité finale. La fin du périple s’annonce…